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Un processus concurrentiel pour de meilleurs résultats

National Post - le 17 novembre 2014

Nationalnewswatch - le 18 novembre 2014

Huffington Post - le 20 novembre 2014

par Colin Kenny

Avec une flotte de frégates et de contre-torpilleurs qui touchent à la fin de leur cycle de vie, la Marine royale canadienne se trouve à la croisée des chemins.

Le gouvernement Harper prévoit la construction de 15 navires de combat de surface canadiens (NCSC) pour remplacer les bâtiments vieillissants. Pour les construire, il a choisi le chantier naval Irving, à Halifax. 

Toutefois, le premier ministre n’a pas encore décidé de quelle façon son gouvernement choisirait un entrepreneur pour superviser l’intégration des systèmes et la conception du navire. 

Cette décision, qui devrait se prendre dans les prochaines semaines, est importante. Elle entraînera environ 26 milliards de dollars en contrats.

Le premier ministre a deux possibilités.

La première, celle qu’on désigne sous le nom de « conception la mieux adaptée », implique de demander des soumissions concurrentielles à différents fournisseurs et de choisir la meilleure. Les entreprises européennes sont pour cette solution.

La deuxième méthode, celle de « l’équipe la plus qualifiée », suppose de choisir un fournisseur en fonction de l’ensemble de ses compétences. Le gouvernement donne ensuite carte blanche à celui-ci pour décider du détail des travaux.

En choisissant la deuxième méthode, qui favorise les entreprises américaines, le premier ministre courrait un risque politique énorme. En effet, c’est ce même processus qui a mené au fiasco du remplacement des CF-18 vieillissants par 65 chasseurs F-35 de « nouvelle génération ». Le manque de transparence de ce projet a soulevé l’indignation publique, et le gouvernement ne souhaite certainement pas reproduire ce scénario pendant une année électorale.

Cela dit, le choix d’une entreprise américaine comporterait quand même des avantages.

L’armée américaine dispose d’un réseau d’approvisionnement mondial de pièces de remplacement auquel la Marine royale canadienne pourrait aisément faire appel si elle se procure des navires conçus aux États-Unis. Aucune firme européenne ne peut offrir un service comparable.

Les futures missions militaires canadiennes seront vraisemblablement menées au sein d’une coalition comprenant les forces américaines. En achetant des navires américains, notre marine assurerait l’interopérabilité des navires, ce qui est essentiel aux opérations interarmées.

Néanmoins, les firmes européennes peuvent elles aussi offrir l’interopérabilité. Des exercices récents de l’OTAN ont démontré que les plateformes militaires françaises n’avaient aucun problème à communiquer avec les systèmes américains.

Les avantages qu’offrent les États-Unis en matière d’approvisionnement, qui s’ajoutent à la relation particulière qu’entretient Ottawa avec Washington, ne devraient pas avoir plus de poids que la nécessité de favoriser la transparence et la concurrence dans un projet d’approvisionnement d’une telle envergure.

Un processus concurrentiel permettrait aux fonctionnaires de comparer les caractéristiques des différentes soumissions et de choisir la meilleure option pour le Canada de façon équitable et transparente, contrairement à ce qui s’est produit dans le cas du nébuleux projet des F-35.

Les conséquences d’un nouveau fiasco dans un projet d’acquisition d’équipement militaire seraient désastreuses. Cela forcerait la Marine royale à se contenter de ressources réduites et à restreindre ses opérations.

On constate déjà des revers inquiétants dans le projet, ce qui accentue l’importance pour Stephen Harper de prendre la bonne décision. Des retards importants dans un autre volet de la stratégie de construction navale du gouvernement, le projet de patrouilleurs extracôtiers et de l’Arctique, posent un risque substantiel pour les navires de combat de surface.

Les retards sont particulièrement risqués dans l’univers de l’acquisition d’équipement militaire; on y observe en effet une inflation de 7 à 11 % par année, ce qui signifie que le montant initial prévu par le gouvernement pour l’achat de matériel militaire permet d’acheter de moins en moins d’équipement au fur et à mesure que le temps passe.

Étant donné que c’est le même chantier naval d’Halifax qui doit construire les deux navires, la construction des navires de combat de surface ne peut pas commencer tant que celle des patrouilleurs n’est pas terminée. Bon nombre d’experts doutent donc qu’on parviendra à construire ne serait-ce que 10 NCSC. Ce chiffre est bien en deçà des 15 promis par le gouvernement Harper, qui est le strict minimum pour permettre à la Marine royale de protéger pleinement le Canada.

Les répercussions sur l’industrie maritime canadienne sont également désastreuses. L’existence même d’une stratégie nationale d’approvisionnement en matière de construction navale montre bien qu’un secteur de construction navale dynamique est d’une importance stratégique pour le Canada. Mais avec la diminution continuelle du nombre de navires, les chantiers navals participants pourraient manquer de travail bien plus tôt que prévu.

En dépit des répercussions énormes du processus d’acquisition des NCSC sur l’avenir de la Marine royale canadienne, le gouvernement Harper a laissé cette dernière à l’écart du processus. Dans l’espoir d’éviter de répéter le fiasco des F-35, lors duquel on a cru percevoir une influence excessive des hauts gradés de l’armée, le premier ministre est allé à l’autre extrême en permettant à Travaux publics et à Industrie Canada de mener le bal.

Pour que le projet des NCSC réussisse, la marine doit y jouer un rôle clé. Les hommes et les femmes de la Marine royale canadienne qui devront se battre dans ces navires méritent de participer pleinement au processus d’acquisition.

 [Colin Kenny a présidé le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Kennyco@sen.parl.gc.ca]