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Sur la question du terrorisme, M. Harper se contente de belles paroles

Toronto Star - January 22, 2015

Nationalnewswatch - January 23, 2015

Huffington Post - January 24, 2015

Par Colin Kenny

On dit que la politique est du show business pour les laids. Et à neuf mois à peine d’un scrutin, les Canadiens peuvent s’attendre à ce que la politicaillerie atteigne de nouveaux sommets de la part de leur gouvernement.

Il semble qu’aucun enjeu ne sera épargné par le premier ministre, pas même la question de la sécurité nationale du Canada.

Les deux attentats terroristes perpétrés en octobre et la tragédie à Charlie Hebdo, à Paris, ont instauré au pays un climat de peur entourant le terrorisme.

Pour rassurer la population, le gouvernement a annoncé récemment son intention de proposer de nouvelles mesures antiterroristes. Il existe deux façons de contrer le terrorisme : mettre en place de nouvelles lois et financer convenablement les organismes chargés de la sécurité nationale. Si la première option peut créer l’illusion que M. Harper sévira contre le terrorisme, c’est dans le domaine du financement que ces organismes ont les plus grands besoins.

Lorsque d’éminents responsables de la sécurité nationale de divers horizons sont venus témoigner devant le Parlement à l’automne, ils n’ont pas réclamé de nouveaux pouvoirs. La raison étant que le gouvernement fédéral en a déjà accordé beaucoup plus à nos organismes chargés de la sécurité nationale depuis les attentats du 11 septembre.

Pas moins de huit mesures législatives contre le terrorisme ont été adoptées au Parlement depuis l’effondrement des tours jumelles. Ces lois ont changé considérablement le paysage juridique du Canada de manière à garantir que le pays dispose des pouvoirs nécessaires pour prévenir le terrorisme.

M. Harper l’a lui-même reconnu, affirmant récemment aux médias : « La réalité est que nos agences de sécurité sont en mesure, dans la vaste majorité des cas, d'identifier les menaces et d'empêcher qu'elles se concrétisent ».

Pourquoi le premier ministre continue-t-il alors d’insister sur la nécessité de conférer de nouveaux pouvoirs en matière de lutte contre le terrorisme? Parce qu’il estime que l’adoption de telles mesures, même si elles sont inutiles, l’aidera à se faire réélire.

L’an dernier, les conseillers du premier ministre se sont donné beaucoup de mal pour le représenter sur la scène internationale comme le nouveau Ronald Reagan, comme celui qui ne craint pas l’ours russe.

Aujourd’hui, ils tentent de redorer l’image de cet homme coriace en laissant M. Harper prétendre qu’il fait des pas de géant dans la lutte contre le terrorisme en adoptant des lois superflues.

Les partis de l’opposition ne devraient pas tomber dans le piège de M. Harper en invoquant que ces nouvelles lois porteront atteinte à nos libertés civiles. Nos tribunaux servent de solide rempart aux lois anticonstitutionnelles. Le premier ministre se servira de cet argument pour dépeindre ses adversaires politiques comme étant faibles et laxistes à l’égard du terrorisme.

Les chefs de l’opposition devraient plutôt parler du programme législatif du premier ministre comme d’un cirque en année électorale. Ils devraient souligner le fait que nous disposons déjà de plusieurs lois pour contrer le terrorisme.

Plus important encore, ils devraient faire ressortir l’incohérence entre les belles paroles du premier ministre et son refus de financer adéquatement nos organismes chargés de la sécurité nationale.

Le fait est que ces mêmes organismes, comme la GRC et le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), qui doivent à la demande du premier ministre accorder davantage d’attention à la lutte antiterroriste, ont subi d’importantes compressions budgétaires ces dernières années. Le budget de la GRC, par exemple, a été amputé de 15 % au cours des quatre dernières années seulement, tandis que les dépenses annuelles du SCRS ont diminué dramatiquement entre 2012 et 2013, chutant de 540 millions à 496 millions de dollars.

Même si les représentants de la sécurité nationale venus témoigner devant le Parlement l’automne dernier avaient peu à dire sur la nécessité d’obtenir plus de pouvoirs, ils ont manifestement laissé sous-entendre qu’ils peinaient à exercer leur mandat en raison de ces compressions draconiennes. En ce qui concerne les activités de surveillance en cette période d’austérité, le directeur adjoint des opérations au SCRS, Jeff Yaworski, a affirmé devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense : « [j]e serais déraisonnable si je disais que nous parons à toute éventualité ».

Faire ce qu’il convient de faire et octroyer les ressources nécessaires pour appliquer les lois que nous avons déjà irriteraient les faucons de la base conservatrice de Stephen Harper, dont l’appui est essentiel pour remporter une quatrième élection. Alors M. Harper offre plutôt de nouvelles lois qui ne sont que des changements d’ordre administratif sans accorder de nouvelles ressources aux organismes existants.

En n’accordant pas un nouveau financement à nos organismes chargés de la sécurité nationale, le premier ministre parle beaucoup mais n’agit pas pour lutter contre le terrorisme.

[Colin Kenny a été président du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Kennyco@sen.parl.gc.ca]