Ce site est conçu pour les fureteurs compatibles avec les normes web. Il demeure tout de même fonctionnel avec les autres fureteurs.

Accéder au contenu

Prix exorbitant de la volaille et des produits laitiers : Qui donc protège les consommateurs canadiens?

Montreal Gazette - August 29, 2014

Ottawa Citizen - August 30, 2014

Huffington Post - September 4, 2014

Victoria Times-Colonist - September 5, 2014

Par Colin Kenny

Stephen Harper est connu comme un grand défenseur du libre marché qui croît que la libre concurrence est essentielle au bien-être économique d’un pays. Pourtant, le gouvernement fédéral continue de forcer les familles canadiennes à dépenser 275 $ de plus par année pour protéger les industries laitières et avicoles canadiennes, qui sont lucratives.

Qu’en est-il?

Au début de 2015, le premier ministre présentera un budget qui aura pour effet de réduire l’impôt sur le revenu des Canadiens. Les réductions d’impôt sont une vieille combine préélectorale qui fonctionne. Les électeurs adorent ce genre de mesures, mais celles-ci entraînent évidemment des coûts, comme une réduction des services du gouvernement, souvent dans des secteurs où les besoins sont criants, comme la protection de l’environnement et l’aide aux pauvres.

Le gouvernement canadien s’acharne depuis les dernières années à saper les services pour offrir des allègements fiscaux en cadeau aux électeurs en vue des prochaines élections.

Pourtant, si M. Harper s’en tenait simplement à son propre credo – à savoir que la libre concurrence contribue à accroître l’efficacité des industries en plus d’être bonne pour les consommateurs – il pourrait faire épargner 275 $ aux familles canadiennes moyennes sans réduire des services gouvernementaux importants.

Combien de plus payent les consommateurs canadiens? Voici une comparaison avec les prix (en dollars canadiens) que payaient les consommateurs américains en juin dans un marché libre :

Poulet : au Canada 3,22 $ la livre; aux É.-U., 1,64 $ la livre

Douzaine d’œufs : au Canada 3,27 $; aux É.-U., 2,14 $

Litre de lait : au Canada 2,47 $; aux É.-U., 1,05 $

Préparation de fromage fondu : au Canada 5,10 $ la livre; aux É.-U., 4,83 $ la livre

Beurre : au Canada, 4,51 $ la livre; aux É.-U., 2,74 $ la livre.

En tant que Canadiens, nous payons 96 % de plus pour le poulet, 50 % de plus pour les œufs, 142 % de plus pour le lait, 27 % de plus pour le fromage et 65 % de plus pour le beurre.

Pourquoi donc? Pour assurer aux pauvres agriculteurs une rémunération adéquate et la stabilité du marché? Tel était peut-être l’intention au départ. Toutefois, comme le souligne Martha Hall Findlay dans une étude marquante publiée en juin 2012, il n’y a presque plus de petites fermes laitières : leur nombre est passé, au cours des quatre dernières décennies, de plus de 70 000 (grand nombre de petites entreprises) à quelque 12 000 (qui ne sont plus si petites).

Le système ne profite plus à des milliers de petits agriculteurs canadiens. Il sert les intérêts d’un petit groupe d’industriels du secteur agricole qui aspirent l’argent aux dépens des consommateurs canadiens. Comme l’indique l’étude de Mme Findlay, en 2012, la production de lait des vaches de ces industriels était évaluée à environ 28 000 $ par animal par année, soit 2 millions de dollars pour une exploitation de taille moyenne, pour un total d’environ 28 milliards de dollars. Et on parle seulement du lait.

Puisque tous les électeurs sont des consommateurs, on pourrait penser que la majorité des députés se porteraient à leur défense et demanderaient au gouvernement d’éliminer par étape, et rapidement, ce système désuet. Or, il y a parfois des moments où règne l’absurde.

Le 18 juin 2014, les députés à la Chambre des communes ont adopté à l’unanimité une motion (262 à zéro) selon laquelle le gouvernement « devrait respecter sa promesse faite aux producteurs laitiers et à l’industrie fromagère du Québec » en résistant aux pressions exercées dans le cadre de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne en vue du démantèlement du système canadien de gestion de l’approvisionnement régissant la mise en marché des œufs, du beurre et de la volaille.

Le système garantit aux producteurs canadiens des profits élevés d’abord en limitant la production et ensuite en imposant des tarifs sur les produits importés d’autres pays au point de décourager les efforts des éventuels exportateurs vers le Canada.

Si le système est aussi perverti, pourquoi 262 députés se sont-ils opposés à une réforme rapide, proposant plutôt que le Canada se traîne les pieds et fasse obstacle à la concurrence d’autres pays?

La réponse cynique est que tous les partis cherchent à obtenir des sièges importants en régions rurales aux prochaines élections, surtout au Québec. C’est la réponse que me donnent les députés même s’ils conviennent en privé que le système est pourri.

Ces considérations politiques n’ont toutefois aucun sens : 12 000 exploitations agricoles ne peuvent pas décider des résultats des élections, et ce, même dans les circonscriptions où l’industrie laitière a traditionnellement beaucoup de poids. Les députés pourraient gagner beaucoup plus de votes en défendant les consommateurs.

Presque tous les pays imposant des règles de gestion de l’approvisionnement pour ces produits les ont éliminés. C’est ce qu’ont fait l’Australie et la Nouvelle Zélande, et l’industrie laitière dans ces pays est florissante.

Le gouvernement Harper cherche actuellement à ne pas être écarté des négociations du Partenariat transpacifique entre 12 pays, qui mènerait à l’un des accords de libre-échange les plus importants de notre époque. Pourquoi les autres pays participant aux négociations affirment-ils que le Canada est trop protectionniste pour être parti à un tel accord?

C’est parce que le Canada traîne des pieds, cherchant à préserver des éléments d’un système corrompu qui ne fait aucun sens pour le Canada et pour le monde.

[Colin Kenny est membre du Sénat. Kennyco@sen.parl.gc.ca]